Théo Garnier
Alliesthésie thermique
Le confort thermique, souvent conçu comme un état de satisfaction et de stabilité face à l’ambiance thermique, dissimule une complexité plus vaste. Il résulte de processus physiques, physiologiques et culturels façonnés par plusieurs siècles d’évolutions techniques et sociales. Ce mémoire propose une exploration critique de notre rapport au confort thermique, à travers trois axes : l’attente passive de la régulation externe, l’effort d’acclimatation aux variations, et l’utilisation du plaisir, ou alliesthésie, pour ajuster nos sensations thermiques et penser les objets.
Ces trois axes révèlent des tensions : entre dépendance aux systèmes modernes, redécouverte de nos capacités adaptatives, et perspectives de sobriété énergétique centrées sur le plaisir. En interrogeant ces désaccords, ce texte vise à repenser les pratiques thermiques, entre héritages passés et audaces futures.
1/3 : L’attente
︎ Octobre 2024
2/3 : L’acclimatation
︎ Novembre 2024
3/3 : L’alliesthésie
︎ Décembre 2024
Chapitre 3
L’alliesthésie
Vous souvenez-vous de cette brise vécue comme salvatrice par une après-midi passée au soleil ? Et si demain le confort thermique de notre maison, des transports, ou de notre travail était imaginé comme une expérience qui permette aux gens de ressentir du plaisir ?
Ce chapitre explore comment le plaisir thermique ou alliesthésie thermique pourrait permettre la génération d’objets et de formes, offrant une alternative aux standards modernes de confort thermique.
(fig1) Image de convection thermique produite par une main humaine avec une augmentation de la sensibilité du dispositif de Schlieren. Image tirée de “Schlieren and Shadowgraph Techniques, Visualizing Phenomena in Transparent Media “, Springer 2001 p53 - Retouche numérique, ©Théo Garnier 2024
Cette approche soulève plusieurs questions-clés pour le design : faut-il imaginer des objets qui mettent en avant le plaisir thermique plutôt que le confort traditionnel ? Jusqu’où intégrer la technologie pour créer de tels objets ? Une approche low tech, ou inspirée de la démarche Slow Heat, pourrait-elle être privilégiée ? L’analyse des Personal Comfort Systems (PCS), dispositifs chauffants souvent thérapeutiques, montre qu’ils posent des problèmes liés à la sur-technologisation, comme les couvertures connectées, peu essentielles.
Cela invite à requalifier ces objets : en faire des outils de régulation thermique conçus en tenant compte des impératifs de durabilité, de sécurité et d’esthétique. En s’appuyant sur l’alliesthésie, le design pourrait ainsi proposer de nouvelles manières de concilier plaisir thermique et sobriété énergétique.
Cela invite à requalifier ces objets : en faire des outils de régulation thermique conçus en tenant compte des impératifs de durabilité, de sécurité et d’esthétique. En s’appuyant sur l’alliesthésie, le design pourrait ainsi proposer de nouvelles manières de concilier plaisir thermique et sobriété énergétique.
I. Définition et cadre conceptuel de l’alliesthésie thermique
1 - Qu’est-ce que l’alliesthésie ?
a) Définition
Le mot "alliesthésie" est issu de deux termes grecs anciens. Le premier "Allos" (ἄλλος) : qui signifie "autre", "différent", ou "changement". Il reflète l'idée d'altération ou de modification dans la perception. Le second terme, "Aisthesis" (αἴσθησις) signifie "sensation", "perception", ou "ressenti". Ce terme désigne la capacité de ressentir ou de percevoir les stimuli︎1︎. L'alliesthésie peut donc être littéralement traduite comme "perception différente" ou "modification de la sensation".b) Signification
Introduit par Michel Cabanac en 1971︎2︎, le concept d'alliesthésie est issu de la psychophysiologie. Il désigne la modulation du plaisir ou du déplaisir ressenti face à un stimulus en fonction du ressenti d’une personne face à son environnement (comme le besoin de chaleur pour atteindre un confort thermique). Les travaux de Michel Cabanac sur ce concept mettent ainsi en avant le caractère subjectif du confort thermique.
︎1︎Il désigne un élément unique ou une cause qui provoque une réaction chez un organisme ou un système. Au singulier : stimulus.
︎2︎CABANAC Michel, « Physiological role of pleasure », Science, vol. 173, n° 4002, 1971, p. 1103–1107.
︎3︎CABANAC Michel « What is sensation? Biological Perspectives on Motivated Activities », Texte traduit de l’anglais, par Théo Garnier, 1992. Cité par Richard de Dear dans « Adapting to Change: New Thinking on Comfort », Cumberland Lodge, Windsor, UK, 9-11 avril 2010, Londres : Network for Comfort and Energy Use in Buildings. [en ligne] : http://nceub.org.uk.
︎2︎CABANAC Michel, « Physiological role of pleasure », Science, vol. 173, n° 4002, 1971, p. 1103–1107.
︎3︎CABANAC Michel « What is sensation? Biological Perspectives on Motivated Activities », Texte traduit de l’anglais, par Théo Garnier, 1992. Cité par Richard de Dear dans « Adapting to Change: New Thinking on Comfort », Cumberland Lodge, Windsor, UK, 9-11 avril 2010, Londres : Network for Comfort and Energy Use in Buildings. [en ligne] : http://nceub.org.uk.
2 - Sommes-nous guidés par le plaisir ?
c) Le plaisir détermine notre comportement thermique
Dans le cadre de ses recherches, Michel Cabanac a observé notre perception du plaisir thermique dans différentes situations : « un sujet en hypothermie ressentira du plaisir lorsqu’il est exposé à une chaleur modérée, et du déplaisir lorsqu’il est exposé au froid. L’inverse se produit chez un sujet en hyperthermie. Le plaisir est en fait observable uniquement dans des états transitoires, lorsque le stimulus aide le sujet à revenir à une température normale. Une fois que le sujet atteint la normothermie︎3︎, tous les stimuli perdent leur forte composante de plaisir et deviennent généralement indifférents. Ainsi, le plaisir et le déplaisir sensoriels semblent particulièrement adaptés pour guider le comportement thermorégulateur. »︎4︎.Même si cela peut sembler paradoxal, on ressentirait plus de plaisir dans un environnement inconfortable que dans un espace uniformisé car le corps ressentirait davantage le besoin de se réchauffer ou de se refroidir.
Toutefois, si l’on ne veut pas tomber dans une précarité provoquée, il semble nécessaire de donner à l’occupant la capacité d’ajuster ses inconforts en lui permettant d’agir concrètement et efficacement. Les travaux de Cabanac︎5︎ nous permettent d'affirmer que le plaisir a une fonction physiologique. Dès lors, il va s’agir de voir comment il s'applique à la régulation thermique. L’objectif affiché serait d’atteindre l’alliesthésie positive, c’est-à-dire un changement de la sensation de déplaisir en plaisir, tout en consommant juste l’énergie nécessaire afin de réguler le corps.
︎4︎Température normale du corps, à laquelle l'activité cellulaire n'est ni stimulée ni ralentie.
︎5︎CABANAC Michel, « Plaisir ou déplaisir de la sensation thermique et homéothermie », Physiology & Behavior, vol. 4, n° 3, 1969.
︎5︎CABANAC Michel, « Plaisir ou déplaisir de la sensation thermique et homéothermie », Physiology & Behavior, vol. 4, n° 3, 1969.
3 - L’alliesthésie, un modèle de confort ?
d) Les répercussions de l’alliesthésie sur le confort adaptatif
Si le contexte de recherche de Michel Cabanac est bien précis : il étudie dans les années 60, pourquoi un stimulus thermique procure du plaisir ou du déplaisir à une personne. Cette approche scientifique ne sort pas du cadre de l’expérimentation médicale et psychophysiologique, il est intéressant de voir que cette notion d’alliesthésie a pu avoir de nombreuses répercussions sur la recherche appliquée au confort thermique.Les travaux de Cabanac ont influencé des modèles comme celui du confort adaptatif. Ce modèle montre en effet que les occupants de bâtiments naturellement ventilés tolèrent mieux une variation de températures grâce au plaisir ressenti par des alliesthésies positives. Cependant, cela pose la question des solutions concrètes à mettre en œuvre pour permettre une régulation thermique efficace et durable, en tenant compte des exigences contemporaines, comme le besoin d’efficacité, la nécessité de la sobriété énergétique, et la disponibilité de contrôle.︎6︎
(fig2) Coefficients de pondération des sites corporels régulièrement utilisés pour mesurer la température de la peau dans le cadre du « modèle des sensations opposées » (Zhang et al., 2010c). Les chiffres indiquent l'influence de chaque site sur la sensation globale, déterminée par une régression par morceaux pour les votes de sensation locale froide inférieurs à -2 (indiqués par C), les votes de sensation locale neutre (indiqués par N), et les votes de sensation locale chaude supérieurs à 2 (indiqués par W). © Richard de Dear
L’approche adaptative appréhende le confort thermique en se basant sur les réactions comportementales des occupants face à leur environnement. Cependant, les chercheurs Richard Cantin et Bassem Moujalled︎7︎ critiquent cette méthode, qui tend à simplifier les mécanismes complexes du confort en les traitant comme une "boîte noire"︎8︎ que l’on ne pourrait plus comprendre. De plus, elle s’appuie sur des analyses statistiques limitées à des données spécifiques, ce qui peut restreindre sa capacité à s’appliquer à des contextes variés.
Ce détour par la théorie nous permet de comprendre une information essentielle, l’approche adaptative du confort thermique basée sur la recherche de plaisir thermique par les occupants, a ses limites. Si l’on réduit le confort thermique à sa simple dimension subjective, l’on peut tomber dans une mystification des procédés qui ne permettra pas de convoquer la technologie de manière saine. Comment faire pour que des objets techniques chauffants basés sur le plaisir thermique ne deviennent pas des boîtes noires ?
︎6︎La disponibilité de contrôle correspond à la possibilité pour les occupants de moduler leur environnement (fenêtres, stores, ventilation) améliore leur satisfaction et leur acceptation des variations thermiques, renforçant ainsi l'efficacité des stratégies adaptatives.
︎7︎CANTIN Richard, MOUJALLED Bassem, GUARRACINO Gérard, « Complexité du confort thermique dans les bâtiments », Conférence au 6ème congrès Européen de Science des Systèmes, Paris, 19-22 septembre 2005.
︎8︎BOSQUÉ Camille, Design pour un monde fini, Premier Parallèle, Paris, 2024. p. 48.
Elle définit le concept de boîte noire comme un objet qui ne permet pas une compréhension, un démontage explicite et accessible. Ce concept peut s'appliquer aux objets techniques, comme les smartphones, les ordinateurs, les grilles pains. Toutefois le terme de boîte noire peut aussi être utilisé conceptuellement pour qualifier une idée ou un modèle.
︎7︎CANTIN Richard, MOUJALLED Bassem, GUARRACINO Gérard, « Complexité du confort thermique dans les bâtiments », Conférence au 6ème congrès Européen de Science des Systèmes, Paris, 19-22 septembre 2005.
︎8︎BOSQUÉ Camille, Design pour un monde fini, Premier Parallèle, Paris, 2024. p. 48.
Elle définit le concept de boîte noire comme un objet qui ne permet pas une compréhension, un démontage explicite et accessible. Ce concept peut s'appliquer aux objets techniques, comme les smartphones, les ordinateurs, les grilles pains. Toutefois le terme de boîte noire peut aussi être utilisé conceptuellement pour qualifier une idée ou un modèle.
II. Un objet chauffant reste un objet technique
1 - Penser la justesse technique de l’objet chauffant
e) Aux origines des low-tech
La réflexion sur les technologies appropriées est apparue vers la moitié du XXème siècle, il s’agit d’un courant technocritique qui se base sur l’idée que les technologies peuvent être adaptées à leur milieu. Clément Gaillard différencie les technologies appropriées des low-tech, ces dernières se penchant davantage sur la question de la simplification technique.
En appliquant le concept de technologie appropriée à la régulation thermique, on pense tout de suite à des technologies comme le mur Trombe-Michel︎9︎. Les concepts de technologie appropriée et de solution bioclimatique semblent étroitement liées, toutes deux exploitant intelligemment les ressources du milieu pour répondre aux besoins des occupants.
Toutefois, est-ce que l’on peut considérer une technologie comme appropriée si elle convoque une source d’énergie externe comme l’électricité pour assurer son fonctionnement ? Aujourd’hui les enjeux de la transition énergétique poussent vers une électrification des usages, faut-il considérer les nouveaux objets chauffants comme un moindre mal ?
f) Objet chauffant, et low-tech ?
Aujourd’hui les réflexions sur les low-tech ont largement infusé la pensée en design. Clément Gaillard les définit ainsi, “On pourrait qualifier de low-tech un objet ou un système qui est durable, facilement réparable et conçu pour économiser les ressources matérielles et énergétiques afin de favoriser des modes de vie plus soutenables.” L’objet ou le système low-tech est en quelque sorte un moindre mal.”︎10︎.Parler de technologie basse ou low-tech n’est pas évident aujourd’hui afin de penser le confort themrique car notre mode de vie n’a rien de low-tech︎11︎, encore moins nos systèmes de régulations standards.
x) Consommation d’énergie : la question de la production des objets
Ce projet de Pablo Bras︎12︎présenté au Pavillon de l’Arsenal en 2021 est intéressant à deux titres. Tout d’abord car il présente un dispositif de régulation thermique à l’échelle du corps, mais aussi car il pose la question de l’impact de la production d’objets de régulation thermique. Dans une interview réalisée en 2022, il explique : “il n’est jamais local de se chauffer avec des panneaux solaires, le silicium ne viendra jamais de chez nous”. Il s’agirait davantage de “concevoir un moyen de circonscrire les objections autour de nous mais sans regarder ce qu’il y a derrière ou après nous.”. Pour Pablo Bras, la question de la fabrication de l’objet est tout aussi importante que sa consommation énergétique.
C’est pourquoi pour fabriquer son dispositif chauffant, il a tenu à récupérer la plupart des pièces, à les réemployer afin de les adapter à de nouvelles fonctions.
Dès lors, même si la production de technologies adaptées comme le panneau solaire peut avoir un coût carbone important, faut-il pour autant se passer de ces solutions qui permettent un changement dans les usages de l’énergie ?
︎9︎CARLES Cédric, ROGARD Loïc, Paléo-énergétique : une autre histoire des innovations énergétiques, Préface de Philippe Bihouix, Éditions Buchet-Chastel, Paris, 2020. [en ligne] : https://paleo-energetique.org/#event-le-mur-trombe-michel
Le mur Trombe-Michel, conçu par Félix Trombe et l’architecte Jacques Michel dans les années 1960, est un dispositif bioclimatique passif qui utilise un mur sombre derrière une vitre pour capter, stocker, et diffuser la chaleur solaire à l’intérieur d’un bâtiment, contribuant à son chauffage naturel.
︎10︎GAILLARD Clément, Une anthologie pour comprendre les low-tech, T&P Publishing, 2023, p. 10.
︎11︎Ibid., p. 9.
Clément Gaillard donne même comme exemple la fabrication de livre lui-même qui a convoqué de nombreuses technologies qui n’ont rien de Low Tech.
︎12︎MINARD Caroline, GARNIER Théo, Partie 1 : « Le décrochage du réel », Interview avec Pablo Bras, paru dans Ko.neks, École Duperré, Paris, 2022.
Pablo Bras décrit sa pratique comme celle d’un “designer au sens large”. Diplômé de l’École Boulle et de l’ENSCI les Ateliers, sa production relève tout à la fois du design d’objets, d'images, d’espace et d’écrits critiques. Sa pratique du design prospectif lui a permis de remporter des concours de la bourse Agora du design pour la recherche soutenu par la Fondation Hermès, qui a récompensé son projet. “Le Pavillon des rêves” propose de repenser l’habitat individuel pavillonnaire en l’augmentant d’objets qui permettent la collecte et l'optimisation de l’énergie.
Le mur Trombe-Michel, conçu par Félix Trombe et l’architecte Jacques Michel dans les années 1960, est un dispositif bioclimatique passif qui utilise un mur sombre derrière une vitre pour capter, stocker, et diffuser la chaleur solaire à l’intérieur d’un bâtiment, contribuant à son chauffage naturel.
︎10︎GAILLARD Clément, Une anthologie pour comprendre les low-tech, T&P Publishing, 2023, p. 10.
︎11︎Ibid., p. 9.
Clément Gaillard donne même comme exemple la fabrication de livre lui-même qui a convoqué de nombreuses technologies qui n’ont rien de Low Tech.
︎12︎MINARD Caroline, GARNIER Théo, Partie 1 : « Le décrochage du réel », Interview avec Pablo Bras, paru dans Ko.neks, École Duperré, Paris, 2022.
Pablo Bras décrit sa pratique comme celle d’un “designer au sens large”. Diplômé de l’École Boulle et de l’ENSCI les Ateliers, sa production relève tout à la fois du design d’objets, d'images, d’espace et d’écrits critiques. Sa pratique du design prospectif lui a permis de remporter des concours de la bourse Agora du design pour la recherche soutenu par la Fondation Hermès, qui a récompensé son projet. “Le Pavillon des rêves” propose de repenser l’habitat individuel pavillonnaire en l’augmentant d’objets qui permettent la collecte et l'optimisation de l’énergie.
2 - Chauffer à l’échelle du corps ?
g) Le cas des Personal Comfort Systems
Si cette question soulève de nombreux débats de nos jours︎13︎, l’objet de ce texte n’est pas de formuler une réponse, mais bien plus de voir que les questionnements autour des technologies basses ou appropriées sont légitimes à appliquer à d’autres technologies comme les Personal Comfort Systems (PCS)︎14︎. À la manière du vélo ou du panneau solaire qui peuvent être considérés low-tech mais qui intègre des éléments d’une haute technicité, les PCS peuvent certes permettre de chauffer le corps au lieu de la pièce, mais ils se composent eux aussi de nombreuses pièces. À la fois textile, mécanique, et électrique, cela engendre une complexité indésirable les rendant donc inéluctablement high-tech.h) Le problème avec les PCS
À la suite de leur expériences les chercheurs de Slow Heat︎15︎ reconnaissent volontiers les nombreuses faiblesses des PCS. Il titrent à propos de l’offre de certains objets chauffants : “inadaptée, pas toujours pratique, et de piètre qualité”︎16︎. On peut également ajouter que le modèle économique de ces objets repose sur conception souvent faite à l’économie dans des pays industrialisés comme la Chine.L'équipe de Slow Heat ne fournit pas de données convaincantes permettant de déterminer si l’impact environnemental lié à la fabrication des PCS est compensé par les économies énergétiques liées à leur utilisation, ce qui pose question︎17︎. Toutefois, après avoir détaillé les divers problèmes associés à leur usage, ils soulignent une évolution positive : certaines marques européennes commencent à s'emparer de la question, ouvrant ainsi des perspectives prometteuses d'amélioration.
(fig5) L’offre Amazon de PCS existants. Collage d’images publicitaires © Théo Garnier
︎13︎VITTA Satish, « Environmental impact of terawatt scale Si-photovoltaics », Current Opinion in Green and Sustainable Chemistry, vol. 29, 2021.
Cette étude analyse l'énergie incorporée dans la fabrication et l'installation des panneaux solaires en silicium, ainsi que les émissions de CO₂ associées. Les résultats indiquent que l'installation d'une capacité de 10 térawatts-crête (TWp) nécessite 150 exajoules d'énergie et génère entre 7 et 13 gigatonnes de CO₂, selon le mix énergétique utilisé. L'article souligne l'importance de développer des technologies de fabrication à faible empreinte carbone pour atténuer ces impacts environnementaux.
︎14︎Les PCS sont un ensemble d’équipements fonctionnant à faible puissance électrique, capables de réchauffer les corps, par conduction, ou rayonnement. Ces dispositifs par conduction peuvent s’apparenter à du mobilier, à des objets, des vêtements, ou des accessoires. Les PCS peuvent-être conçus uniquement dans le but de chauffer, ou bien être intégrés à des objets que l’on a déjà. ︎15︎DE GRAVE Denis, ANCIAUX Amélie, SOBCZAK Jean, Slow Heat : Chauffer les corps, moins les logements, Presses Universitaires de Louvain, 2024.
︎16︎Ibid., p. 190.
︎17︎Ibid., p. 187.
Cette étude analyse l'énergie incorporée dans la fabrication et l'installation des panneaux solaires en silicium, ainsi que les émissions de CO₂ associées. Les résultats indiquent que l'installation d'une capacité de 10 térawatts-crête (TWp) nécessite 150 exajoules d'énergie et génère entre 7 et 13 gigatonnes de CO₂, selon le mix énergétique utilisé. L'article souligne l'importance de développer des technologies de fabrication à faible empreinte carbone pour atténuer ces impacts environnementaux.
︎14︎Les PCS sont un ensemble d’équipements fonctionnant à faible puissance électrique, capables de réchauffer les corps, par conduction, ou rayonnement. Ces dispositifs par conduction peuvent s’apparenter à du mobilier, à des objets, des vêtements, ou des accessoires. Les PCS peuvent-être conçus uniquement dans le but de chauffer, ou bien être intégrés à des objets que l’on a déjà. ︎15︎DE GRAVE Denis, ANCIAUX Amélie, SOBCZAK Jean, Slow Heat : Chauffer les corps, moins les logements, Presses Universitaires de Louvain, 2024.
︎16︎Ibid., p. 190.
︎17︎Ibid., p. 187.
3 - L’intérêt des Personal Comfort Systems
i) Créer de la multimodalité thermique à l’échelle du corps
“Manger quand on a faim, se chauffer quand on a froid”︎18︎, voilà la perspective Slow Heat. Le slow heating nous incite à repenser notre rapport au confort thermique avec comme principe central la recherche de plaisir thermique ou alliesthésie thermique, et l‘arrêt du recours systématique au système de régulation standard. Le projet montre à quel point nos habitudes de chauffe sont ancrées, tout en prouvant que des choix conscients et agréables rendent la sobriété plus accessible et désirable. Cette approche questionne directement l’opposition entre sobriété et solutions technologiques, et pense davantage leur complémentarité. En constatant que l’isolation seule ne suffira pas et qu’elle risque de provoquer un effet rebond︎19︎, les chercheurs de Slow Heat prône des pratiques de régulation douces, comme ajuster nos vêtements à la température, réduire la quantité d’air chauffé, et se réchauffer avec des PCS (Personal Comfort Systems)︎20︎.
(fig6) Classement des différents choix de solutions de chauffe. Sur le même concept que l’étiquette-énergie, les solutions sont classées l’efficacité, l’échelle, et la proximité avec le corps. D’après une infographie de Slow Heat ︎21︎ © Théo Garnier.
Les PCS sont rangés dans la classe B des dispositifs à faible puissance (entre 50 et 100 watts). D’après les chercheurs de SlowHeat, de tous les moyens de chauffe, il s’agit du plus efficace, et souvent du plus plaisant.
Même si les PCS ne peuvent pas être considéré comme des low-tech, il semble toutefois pouvoir s’apparenter au “moindre mal”︎22︎ qu’évoque Clément Gaillard quand il définit les low-tech quand on les imagine venir réduire notre dépendance aux stratégies de régulation thermique actuelles. Dès lors, même si les concepts de Low-tech ou de technologies appropriés font face à des zones d’ombres, ils doivent poser le cadre de la discussion technique en matière de durabilité et de sobriété de ces nouveaux objets chauffants. Cela ouvre à une question intéressante : Faut-il repenser radicalement les PCS comme des dispositifs de régulation à part entière, en intégrant des critères d’usage de durabilité, de fiabilité, de sûreté et d’esthétique ?
(fig7) Illustration de Marie Verdeil, de la disponibilité de contrôle offerte à l’occupant•e. © Marie Verdeil ︎23︎ ︎18︎« Autrement : le défi “slow heat” ou comment chauffer le corps plutôt que le bâti. », BX1 [en ligne] :
https://www.youtube.com/watch?v=822HsmEMUQ8&t=15s
︎19︎L'effet rebond ou paradoxe de Jevons désigne le phénomène par lequel les gains d'efficacité énergétique obtenus grâce à des innovations technologiques entraînent une augmentation de la consommation d'énergie, réduisant ou annulant les économies attendues. Il a été théorisé pour la première fois par William Stanley Jevons en 1865, où il observe que l’amélioration de l’efficacité des machines à vapeur augmente, paradoxalement, la consommation de charbon. William Stanley Jevons, The Coal Question; An Inquiry Concerning the Progress of the Nation, and the Probable Exhaustion of Our Coal Mines, Macmillan & Co, 1865.
︎20︎J’utilise volontairement le terme de PCS pour qualifier les objets sur lesquels je vais travailler car je souhaite conserver la liberté de m’intéresser à ces systèmes dans leur diversité afin de nourrir davantage ma recherche.
︎21︎DE GRAVE Denis, ANCIAUX Amélie, SOBCZAK Jean, Slow Heat : Chauffer les corps, moins les logements, Presses Universitaires de Louvain, 2024. p. 108.
︎22︎GAILLARD Clément, Une anthologie pour comprendre les low-tech, T&P Publishing, 2023. p.9.
︎23︎DE DECKER Kris, Heating People, not Spaces, Low-tech Magazine, 2023. p. 81.
︎19︎L'effet rebond ou paradoxe de Jevons désigne le phénomène par lequel les gains d'efficacité énergétique obtenus grâce à des innovations technologiques entraînent une augmentation de la consommation d'énergie, réduisant ou annulant les économies attendues. Il a été théorisé pour la première fois par William Stanley Jevons en 1865, où il observe que l’amélioration de l’efficacité des machines à vapeur augmente, paradoxalement, la consommation de charbon. William Stanley Jevons, The Coal Question; An Inquiry Concerning the Progress of the Nation, and the Probable Exhaustion of Our Coal Mines, Macmillan & Co, 1865.
︎20︎J’utilise volontairement le terme de PCS pour qualifier les objets sur lesquels je vais travailler car je souhaite conserver la liberté de m’intéresser à ces systèmes dans leur diversité afin de nourrir davantage ma recherche.
︎21︎DE GRAVE Denis, ANCIAUX Amélie, SOBCZAK Jean, Slow Heat : Chauffer les corps, moins les logements, Presses Universitaires de Louvain, 2024. p. 108.
︎22︎GAILLARD Clément, Une anthologie pour comprendre les low-tech, T&P Publishing, 2023. p.9.
︎23︎DE DECKER Kris, Heating People, not Spaces, Low-tech Magazine, 2023. p. 81.
III. Personal Comfort System, désirable, et durable
1 - Les nouveaux objets chauffants
Les chercheurs de Slow Heat se sont intéressés aux PCS comme une solution de régulation à l’échelle du corps à part entière, ils se sont rendu compte que ces dispositifs disposaient de nombreuses qualités. Ils sont abordables, simples techniquement, à faible puissance. Ils semblent donc annonciateurs d’un fort potentiel en matière de réduction de la consommation.
Ils expliquent également que la conception de ces dispositifs devrait être une démarche globale, permettant de penser ces équipements dans un fonctionnement commun, et pas simplement individuellement rendre chauffant n’importe quel objet. “Or, penser le poste de travail chauffant (via plusieurs équipements qui fonctionnent ensemble, par exemple, ce n’est pas la même approche que repenser le tapis de souris pour le rendre chauffant.”︎24︎.
j) Les enjeux de la recherche
Si le confort est étroitement lié au plaisir thermique, serait-il pertinent de développer une gamme d'objets permettant à l’occupant de se laisser guider par son plaisir ou déplaisir afin de réduire sa dépendance au systèmes de confort thermique traditionnels ?C’est en partant de cette question que j’ai décidé de développer une série de PCS chauffants, qui soit flexible, simple et durable. Les débouchés de ces modules chauffants pourraient-être divers, elles pourraient devenir générateur de nouvelles formes d’objets, l’objectif serait de pouvoir les mouler directement dans des objets. Le fait d’avoir un seule et même module contenant toutes les fonctionnalités chauffantes et électronique de l’objet, permettrait de simplifier le cablage et de réduire l’usure.
Dès lors, il se dessine deux jalons de recherche pour mon projet de diplôme. Le premier serait une recherche technique sur la conception d’un Printed Circuit Board (PCB)︎25︎ souple, serait menée avec Foule Ingénierie︎26︎ En parallèle, une recherche sur les usages, qui me permettrait de concevoir et de tester une série d’objets de régulation à l’échelle du corps, en m’inspirant pourquoi pas du passé dans une démarche de “rétro ingénierie”. Cette double approche pourra me permettre de mettre à profit les outils du design pour la conception et le choix des matériaux, et du prototypage rapide afin de tester rapidement les idées. Je bénéficie également d’un socle d’expertise technique et artisitque solide que ce soit grâce aux ateliers de l’École Boulle, ainsi qu’avec le savoir-faire de Foule Ingénierie.
︎24︎DE GRAVE Denis, ANCIAUX Amélie, SOBCZAK Jean, Slow Heat : Chauffer les corps, moins les logements, Presses Universitaires de Louvain, 2024.
p. 191.
“La recherche, l’extraction, la production , le transport et la livraison de telles quantités de gaz (même si tout cela est largement invisible) sont sans commune mesure avec la pollution générée par la fabrication et l’usager d’une résistance chauffante dans un bout de tissu.”. Ils expliquent néanmoins que le caractère nécessairement portable de ces dispositifs limite fortement le choix du vecteur énergétique.
︎25︎Un PCB (Printed Circuit Board) est une carte électronique imprimée utilisée pour connecter et supporter des composants électroniques. Elle se compose de couches conductrices et isolantes, permettant la transmission des signaux électriques entre les composants.
︎26︎Foule Ingénierie est une jeune entreprise de conseil en développement technique et électronique basée à Montreuil. Dirigée par l’artiste Hugo Servanin et le designer Antoine Pintout, ils ont réalisé plusieurs projets de développement technique et de direction artistique pour des marques comme Lancôme Parfum, mais aussi pour des artistes et designers, comme Arthur-Donald Bouillé, Hugo Servanin, Hugo Bijaoui, ou encore Magique Studio pour l’exposition Parfum D’Orient à l’Institut du Monde Arabe en 2023.
p. 191.
“La recherche, l’extraction, la production , le transport et la livraison de telles quantités de gaz (même si tout cela est largement invisible) sont sans commune mesure avec la pollution générée par la fabrication et l’usager d’une résistance chauffante dans un bout de tissu.”. Ils expliquent néanmoins que le caractère nécessairement portable de ces dispositifs limite fortement le choix du vecteur énergétique.
︎25︎Un PCB (Printed Circuit Board) est une carte électronique imprimée utilisée pour connecter et supporter des composants électroniques. Elle se compose de couches conductrices et isolantes, permettant la transmission des signaux électriques entre les composants.
︎26︎Foule Ingénierie est une jeune entreprise de conseil en développement technique et électronique basée à Montreuil. Dirigée par l’artiste Hugo Servanin et le designer Antoine Pintout, ils ont réalisé plusieurs projets de développement technique et de direction artistique pour des marques comme Lancôme Parfum, mais aussi pour des artistes et designers, comme Arthur-Donald Bouillé, Hugo Servanin, Hugo Bijaoui, ou encore Magique Studio pour l’exposition Parfum D’Orient à l’Institut du Monde Arabe en 2023.
3 - Développement technique : un PCB à retour chauffant, flexible ?
k) Simplifier le fonctionnement, augmenter la durabilité
Dans leur étude, les chercheurs de Slow Heat expliquent s’être appuyés sur les Personal Comfort Systems (PCS) comme solution de régulation thermique à part entière. Cependant, ces systèmes, encore au stade émergent, présentent plusieurs problèmes. D’une part, leur développement reste limité, ils sont principalement orientés vers des usages thérapeutiques, ce qui les rend durables et donc peu adaptés à une utilisation quotidienne. Par exemple, un coussin chauffant conçu pour soulager des douleurs ponctuelles n’offre pas nécessairement les fonctionnalités ou la durabilité requises pour un usage domestique répété.D’autre part, les PCS sont souvent intégrés dans des matériaux souples, tels que le textile. Bien que cette approche favorise à priori le confort, elle nuit à leur robustesse : les composants thermiques s’usent rapidement sous l’effet de manipulations fréquentes︎27︎. Pour pallier ces défauts, une exploration de matériaux plus résistants et une meilleure intégration des composants, associés à une conception ergonomique, pourrait permettre d’étendre leur usage au quotidien.
l) Réduire l’électronique, à un seul module
S’agit-t-il de réduire le nombre de composants afin de produire un objet chauffant qui soit plus durable dans le temps ?Dans un second temps, la recherche technique sera axée sur la fabrication du module chauffant. Le système serait réduit à un PCB imprimé sur un support souple. Ce PCB sera capable de détecter une pression et d’émettre de la chaleur en conséquence. Pour créer un tel module, il faut réussir à combiner un PCB souple qui permette la gestion des courants, un capteur de pression au velostat qui gère l’activation, et un module chauffant à la fibre de carbone qui émette la chaleur quand un courant faible le traverse. Cette association de matériaux présente l’intérêt d’être souple et de n’être composé que d’un seul tenant. Dès lors il pourrait-être possible d’intégrer ce système dans un objet, que ce soit en le moulant sur les parties d’un objet.
m) Le perfectionnement technique comme solution unique ?
(fig8, 9) Images de l’exposition « Local Warming », de la 14ème Biennale d'Architecture, section “Internationale Architecture Fundamentals”. 2014. On aperçoit les panneaux radiants orientables capables de suivre une personne qui passerait dessous afin de la réchauffer localement. © Carlo Ratti Associati
Présenté à la Biennale d'Architecture de Venise en 2014, l’exposition « Local Warming » est intéressante afin de discuter de l’implication de la technique dans le chauffage de proximité. Les architectes de Carlo Ratti Associati, l’ingénieur Leigh Christie et le MIT SENSEable Lab︎28︎ proposent une vision innovante de la gestion climatique des bâtiments. Face au gaspillage énergétique causé par le chauffage d'espaces vides ou partiellement occupés, cette approche synchronise la présence humaine avec le contrôle thermique. Grâce à des capteurs sophistiqués, des éléments chauffants infrarouges orientables créent un "nuage thermique" personnalisé qui suit chaque occupant, offrant un confort individuel tout en améliorant l'efficacité énergétique de manière significative.
Des dispositifs conçus avec une meilleure robustesse et une adaptabilité accrue contribueraient non seulement à réduire les déchets, mais aussi à renforcer l’adoption des comme alternative viable aux confort thermique traditionnel. Dans le cas de la réponse au problème de la durabilité des PCS, précis progrès technique et durabilité ne doivent pas être opposés, mais envisagés ensemble. Cela soulève une question essentielle : le progrès technique est-il l’unique voie pour transformer nos pratiques de chauffage ? S’il joue un rôle important, il ne suffit pas à lui seul.
C’est pourquoi cet écrit défend une approche qui repense le confort thermique en mettant l’accent sur la recherche de plaisir, plutôt que sur une quête d’uniformité souvent problématique. L’objectif de cet écrit est modestement d’interpeller ceux qui ne réfléchissent pas à leur manière de se chauffer, en éveillant leur curiosité sur une alternative centrée sur le plaisir thermique, ou alliesthésie.
︎27︎DE GRAVE Denis, ANCIAUX Amélie, SOBCZAK Jean, Slow Heat : Chauffer les corps, moins les logements, Presses Universitaires de Louvain, 2024. p. 188.
“Les équipements rigides [...] non manipulés inspirent beaucoup moins de craintes. Les équipements capables d’épouser les formes du corps et de les chauffer par contact sont pourtant beaucoup plus efficaces que les équipements radiants que l’on garde à distance.” ︎28︎Le MIT SENSEable City Lab est un laboratoire de recherche basé au Massachusetts Institute of Technology (MIT) qui explore la manière dont les technologies numériques transforment les villes et la façon dont leurs habitants interagissent avec leur environnement. Fondé en 2004 par Carlo Ratti, le laboratoire adopte une approche multidisciplinaire, combinant l'urbanisme, l'architecture, l'informatique, le design et les sciences sociales.
“Les équipements rigides [...] non manipulés inspirent beaucoup moins de craintes. Les équipements capables d’épouser les formes du corps et de les chauffer par contact sont pourtant beaucoup plus efficaces que les équipements radiants que l’on garde à distance.” ︎28︎Le MIT SENSEable City Lab est un laboratoire de recherche basé au Massachusetts Institute of Technology (MIT) qui explore la manière dont les technologies numériques transforment les villes et la façon dont leurs habitants interagissent avec leur environnement. Fondé en 2004 par Carlo Ratti, le laboratoire adopte une approche multidisciplinaire, combinant l'urbanisme, l'architecture, l'informatique, le design et les sciences sociales.
2 - Une recherche-expérimentation sur les usages
n) Qualifier notre utilisation des PCS aujourd’hui
Comment utilise-t-on concrètement les PCS aujourd’hui ? C’est la question qui a stimulé le début de ma réflexion sur l’élaboration de mon protocole de recherche.Le premier jalon du projet sera une recherche sur les usages qui pourrait s’appuyer sur le protocole d’expérimentation développé par les chercheurs de Slow Heat. Après avoir mis en place un protocole d’expérimentation, je pourrais à mon tour me plonger dans le froid, en baissant progressivement ma consigne de chauffage. Bien plus qu’une simple réinterprétation des travaux sur le slow heating, cette recherche impliquerait l'auto conception et le test des solutions de chauffage de manière cohérente. Cette démarche se rapproche notamment du travail de la designer Lucile Sauzet et l’anthropologue Camille Arnodin, qui dans leur dernier travail de recherche︎29︎ ont proposé quatres solutions de régulation thermique low-tech, imaginées grâce à une recherche-expérimentation en collaboration directe avec des familles.
En utilisant les outils du design, du prototypage rapide, et de l’utilisation de module chauffants sur mesure DIY, je serai en effet capable de dessiner, prototyper et tester mes propres solutions de régulations. L’ambition serait alors de les lister en fonction de leur efficacité ressentie, ergonomie, praticité. Cet exercice de conception immersive pourrait alors produire une série d’objets qui seraient tous issus de mes propres besoins et préférences et termes de régulation thermique. Dès lors, il sera ensuite possible pour moi de venir aboutir les prototypes les plus convaincants, en réalisant une véritable édition de ces objets.
o) Méthode de recherche
Ce protocole d’expérimentation va s’appliquer sur mon quotidien, il va me permettre d’endosser deux rôles, à la fois cobaye à la fois chercheur. Cette recherche sera donc menée en hiver, entre les mois de janvier et de février.Cette expérimentation va durer un mois, elle va consister en une réduction progressive de la consigne de chauffage de mon appartement grâce aux thermostats de mes deux convecteurs. Même si ces deux convecteurs sont reliés au réseau d’eau chaude collectif de mon immeuble, l’impact énergétique est réduit du fait de la meilleure qualité des équipements collectifs tels que des chaudières à condensation, ou des pompes à chaleur. Toutefois la consommation dans ce type de logement est bien calculé à l’échelle individuelle ce qui la rend mesurable.︎30︎
Le contexte thermique de l’habitat sera toutefois évalué afin de pouvoir justifier d'éventuels écarts de température dans l’habitat. La mesure du climat intérieur se fera par le biais d’un module météo d’intérieur DIY, composé de deux thermomètres, d’une caméra thermique, d’un hygromètre, d’un capteur éolien, et d’ensoleillement. Ce module devra être capable de tourner en continu et de commuter les données vers un serveur local. Il me sera donc possible de mesurer les paramètres suivants du confort thermique. Température ambiante, Température de paroie, taux d’humidité, présence de brassage éolien, ensoleillement, stabilité des températures. Sur les dix paramètres il en restera l’habillement auquel on ajoutera l’utilisation de PCS. Ce dernier paramètre sera au centre de l’étude.
p) Positionnement de la démarche
L’utilisation de la station météo d’intérieur permettra de replacer les données subjectives collectées et les objets prototypés dans leur contexte thermique spécifique. L’objectif de cette recherche n’est pas quantitatif : il ne s’agit pas d’évaluer l’efficacité des systèmes de régulation ni leur impact énergétique, surtout que cette question ne fait encore consensus au sein de la communauté scientifique.︎31︎L’intérêt du projet réside plutôt dans l’analyse du ressenti thermique lié à l’usage des PCS.
q) Créer des objets qui racontent le plaisir thermique
Cette démarche qualitative vise à comprendre leurs usages précis et à explorer comment leur forme contribue à ces usages. L’enjeu est d’interroger ces objets sous l’angle de leur adaptation aux besoins, tout en prenant en compte leur dimension esthétique et fonctionnelle.L’objectif est de démontrer la capacité des individus à gérer leur régulation thermique personnelle à l’aide d’un dispositif technique simple. Le design joue ici un rôle central, en permettant de concevoir, prototyper rapidement et tester des objets adaptés à cette expérimentation.
︎29︎SAUZET Lucile, ARNODIN Camille , « Amélioration thermique, confort et art de vivre à l’ère de l’Anthropocène », Leroy Merlin Source, 2 septembre 2024.
︎30︎AUTEUR INCONNU, « Chauffage collectif : fonctionnement, avantages, date de mise en route », CDC Habitat, [en ligne] : https://www.cdc-habitat.fr/infos-et-logements/chauffage-collectif--fonctionnement-avantages-date-de-mise-en-route
Depuis 1974, l’individualisation des frais de chauffage est obligatoire pour tout bâtiment fonctionnant au chauffage collectif. Il est donc possible de distinguer la consommation de chaque logement.
︎31︎SONG W. , ZHAI Y. , WANG F. , « Personal Comfort Systems for Improving Indoor Thermal Comfort and Air Quality », Indoor Environment and Sustainable Building, Springer, Singapour, 2023, [en ligne] : https://doi.org/10.1007/978-981-99-0718-2_9.
︎30︎AUTEUR INCONNU, « Chauffage collectif : fonctionnement, avantages, date de mise en route », CDC Habitat, [en ligne] : https://www.cdc-habitat.fr/infos-et-logements/chauffage-collectif--fonctionnement-avantages-date-de-mise-en-route
Depuis 1974, l’individualisation des frais de chauffage est obligatoire pour tout bâtiment fonctionnant au chauffage collectif. Il est donc possible de distinguer la consommation de chaque logement.
︎31︎SONG W. , ZHAI Y. , WANG F. , « Personal Comfort Systems for Improving Indoor Thermal Comfort and Air Quality », Indoor Environment and Sustainable Building, Springer, Singapour, 2023, [en ligne] : https://doi.org/10.1007/978-981-99-0718-2_9.
Conclusion
Le concept d’alliesthésie redéfinit notre perception du confort thermique, non plus comme un standard universel, mais comme une expérience subjective et modulable. En adoptant ce prisme, il devient possible d’en finir avec nos habitudes, réduire par exemple les consignes de chauffe tout en utilisant des Personal Comfort Systems (PCS) adaptés aux besoins individuels pour générer des sensations de plaisir thermique et favoriser une régulation personnelle.
Cependant, bien que les PCS gagnent en popularité dans le domaine thérapeutique, leur intégration dans l’habitat individuel ou collectif demeure difficile. Ils supposent en effet un véritable changement de paradigme par rapport au modèle traditionnel de confort thermique, encore largement basé sur une approche centralisée et uniforme. Le design a toutefois un rôle-clé à jouer dans cette transition, en explorant de nouvelles pistes d’usage et de formes, en complément du travail des ingénieurs. C’est dans cette optique qu’a été initiée ma collaboration avec Foulle Ingénierie, autour d’un PCS flexible et résistant, fruit d’une recherche exploratoire menée à partir de maquettes et de scénarios d’usage.
L’objectif de cet écrit est de montrer que le design peut contribuer à révolutionner notre rapport au confort thermique, en faisant du plaisir le critère central. Les textes réunis dans ce mémoire reposent sur la conviction qu’il est essentiel de diversifier les solutions de régulation thermique, tout en incitant à se laisser guider par les sensations de plaisir ou de déplaisir thermique. Cette approche, au croisement de l’ingénierie, du design et de la sensibilité individuelle, ouvre de nouvelles perspectives pour un confort plus durable et plus résilient.
Conclusion générale du mémoire
Le confort thermique, produit de la modernité, est le fruit d’une évolution marquante : d’une gestion corporelle et collective à une régulation centralisée et standardisée des espaces. Si ce modèle a permis de répondre aux exigences de confort contemporain, il porte également en lui des contradictions profondes, notamment une dépendance accrue à des systèmes externes et une déconnexion des réalités thermiques naturelles, ce qui pose question à l’heure de la crise climatique et de la nécessité de la transition énergétique.
Dans ce contexte, plutôt que de viser un confort absolu, il s’agit d’accepter une part d’inconfort et de mobiliser notre résilience naturelle pour interagir de manière plus consciente avec notre environnement. Les Personal Comfort Systems (PCS), bien qu’encore marginaux dans l’habitat, sont par ailleurs une proposition prometteuse, en permettant une régulation thermique prenant en compte les besoins personnels, à l’échelle des corps, et en priorisant le plaisir.
Le design a un rôle déterminant à jouer dans cette transition. En proposant des objets qui favorisent une expérience thermique modulable et durable, la recherche-action peut redéfinir les pratiques, en complément de certaines avancées techniques et industrielles. Cette démarche appelle à repenser nos manières d’habiter, en permettant à la fois une plus grande diversité de solutions thermiques, et en cultivant un rapport plus juste et conscient à nos sensations. En somme, ce texte questionne les modalités de l’émergence d’un confort thermique plus durable, plus résilient et plus en phase avec les sensibilités individuelles.
Bibliographie
︎Articles et thèses
CABANAC Michel, « Physiological role of pleasure », Science, vol. 173, n° 4002, 1971, p. 1103–1107.
CABANAC Michel « What is sensation? Biological Perspectives on Motivated Activities », Texte traduit de l’anglais, par Théo Garnier, 1992.
CABANAC Michel, « Plaisir ou déplaisir de la sensation thermique et homéothermie », Physiology & Behavior, vol. 4, n° 3, 1969.
CANTIN Richard, MOUJALLED Bassem, GUARRACINO Gérard, « Complexité du confort thermique dans les bâtiments », Conférence au 6ème congrès Européen de Science des Systèmes, Paris, 19-22 septembre 2005. (consulté le [25/08/24]).
DE DEAR Richard, « Adapting to Change: New Thinking on Comfort », Cumberland Lodge, Windsor, UK, 9-11 avril 2010. [en ligne] : http://nceub.org.uk.
SAUZET Lucile, ARNODIN Camille , « Amélioration thermique, confort et art de vivre à l’ère de l’Anthropocène », Leroy Merlin Source, 2 septembre 2024.
SONG W. , ZHAI Y. , WANG F. , « Personal Comfort Systems for Improving Indoor Thermal Comfort and Air Quality », Indoor Environment and Sustainable Building, Springer, Singapour, 2023, [en ligne] : https://doi.org/10.1007/978-981-99-0718-2_9.
VITTA Satish, « Environmental impact of terawatt scale Si-photovoltaics », Current Opinion in Green and Sustainable Chemistry, vol. 29, 2021.
︎Expositions
« Local Warming », de la 14ème Biennale d'Architecture, section “Internationale Architecture Fundamentals”. 2014. [en ligne] : https://news.mit.edu/2014/achieving-energy-efficiency-local-warming
︎Ouvrages
BOSQUÉ Camille , Design pour un monde fini, Premier Parallèle, Paris, 2024. p. 48.
CARLES Cédric, ROGARD Loïc, Paléo-énergétique : une autre histoire des innovations énergétiques, Préface de Philippe Bihouix, Éditions Buchet-Chastel, Paris, 2020. [en ligne] : https://paleo-energetique.org/#event-le-mur-trombe-michel
DE GRAVE Denis, ANCIAUX Amélie, SOBCZAK Jean, Slow Heat : Chauffer les corps, moins les logements, Presses Universitaires de Louvain, 2024.
GAILLARD Clément, Une anthologie pour comprendre les low-tech, T&P Publishing, 2023, p. 10.
JEVONS William Stanley, The Coal Question; An Inquiry Concerning the Progress of the Nation, and the Probable Exhaustion of Our Coal Mines, Macmillan & Co., 1865
MINARD Caroline, GARNIER Théo, Partie 1 : « Le décrochage du réel », Interview avec Pablo Bras, paru dans Ko.neks, École Duperré, Paris, 2022.
︎Sites et podcasts
AUTEUR INCONNU, « Événement Repair Café », Leroy Merlin, [en ligne] : https://www.leroymerlin.fr/tutos/cours-de-bricolage-en-magasin/evenement-repair-cafe.html (consulté le [02/11/24]).
AUTEUR INCONNU, « Chauffage collectif : fonctionnement, avantages, date de mise en route », CDC Habitat, [en ligne] : https://www.cdc-habitat.fr/infos-et-logements/chauffage-collectif--fonctionnement-avantages-date-de-mise-en-route (consulté le [20/11/24]).
AUTEUR INCONNU, « Autrement : le défi “slow heat” ou comment chauffer le corps plutôt que le bâti. », BX1 [en ligne] :
https://www.youtube.com/watch?v=822HsmEMUQ8&t=15s (consulté le [28/11/24]).
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